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EDITO Mars 2007

Salut à tous !

C'est le printemps !

Les premières fleurs sauvages font leur apparition et après avoir récolté le pollen sur les chatons des noisetiers, les abeilles s'en donnent à cœur joie sur les pissenlits et les prunelliers.

Il y a quelques nuits, j'ai entendu remonter vers le nord un groupe d'oies sauvages ; ce signe ne trompe pas ! le renouveau de la nature s'avance avec l'énergie d'une immense vague.

Même nous, mammifères grattouilleurs et audiophages, bien connus sous l'appellation argotique de musicos, après avoir passés de longs mois d'hiver dans une caverne-studio, nous frémissons à l'idée d'entreprendre notre migration vers les chaudes scènes des lieux de concerts pour une nouvelle saison estivale.

Il se pourrait que cette année encore, l'idée de tourner aie bien du mal à se réaliser tant les handicaps s'amoncellent sur les petites productions. Il y a 10 ou 15 ans, il fallait un appétit féroce, des dents bien plantées, et une solide constance pour se faire entendre dans le brouhaha de l'offre de l'époque. Aujourd'hui c'est un vacarme continu tant l'offre des spectacles vivants est importante. C'est en dizaine de milliers que les propositions se comptent sur le territoire français.

Doit-on se réjouir d'une démographie artistique galopante ? C'est pas si sûr, car si l'inflation de l'offre est surtout due aux cercles dits "amateurs" et aux offres exceptionnelles de spectacles de revenants et autres synthétiques, bon nombre d'artistes voient leurs nombres de dates rémunérées correctement se réduire fatalement.

C'est bien connu, trop de spectacles tue le spectacle, et si la définition de la création devient aussi alambiquée et soutenue par des discours pompeux, il faut bien admettre en y regardant de plus près, que les impostures ne manquent pas. Si pour les oeuvres lyriques et dramatiques il est d'usage de considérer comme création le fait de renouveler la mise en scène, les décors, l'orchestration etc... et même si cette oeuvre est jouée depuis 300 ans et est connue de tous, en revanche pour la musique et notamment les musiques dites actuelles dont la chanson fait partie, les choses sont à interpréter bien différemment. D'ailleurs, l'émergence de la création musicale ne se fait que par le secteur marchand (à de rares exceptions près) et on ne peut pas dire que les responsables et les acteurs de la politique culturelle de ce pays se soucient vraiment de l'émergence d'artistes musiciens, créateurs d'un réel univers Même les sociétés civiles prodiguant des aides à la création phonographique conditionnent ces aides à des contrats de distribution du secteur marchand.

Aujourd'hui les auteurs-compositeurs-interprètes qui sont quasi inexistants dans le secteur marchand, ne trouveront pas un appui dans la politique culturelle de la France. Au nom de "l'accès à la Culture pour tous", la grosse machine et ses fonctionnaires ont l'air de mieux se nourrir que nous, insignifiants et minuscules troubadours. En dehors du secteur cultureux et conceptuels où la politique est surtout celle des petits copains, de la diffusion en tournée nationale des vedettes, de la décentralisation des moyens techniques, aucune porte institutionnelle n'est ouverte à l'émergence de la création libre.

Les petits réseaux, les petites salles, les festivals sont presque tous dans le secteur associatif, et même si certains bénéficient de quelques subventions des collectivités, les moyens ne sont pas bien gros et la part allouée aux salaires artistiques est maigre. Si quelque uns assument assez bien la diversité, les mécanismes des petits réseaux sont souvent réglés par les affinités qu'il ont avec les différentes mouvances musicales et ensuite dans ces courants l'émergence des artistes en herbe coule de source plutôt que des expèriences vers la mixité.

L'accès, la disponibilité et les conditions de représentation de ces scènes accessibles sont très limités. Sur 40 000 groupes ou artistes peu ou pas connus et répertoriés en France, moins de 1 % arrivera à exister à peu près sur scène, et ce 1 % profite déjà d'un certain niveau de médiatisation et de moyen de mise en oeuvre. Chaque saison on peut rajouter à l'engorgement, les nombreuses formations étrangères qui sont contraintes à des conditions et des revenus inavouables et cela jusque dans les milieux les plus insoupçonnables.

Quant aux rémunérations pratiquées dans les petites structures, elles sont au raz les pâquerettes, car le milieu amateur, qui se fait quand même rémunéré, sape complètement la crédibilité salariale d'un artiste (on appelle çà la loi du marché !). De nombreux organisateurs en profitent et c'est encore pire, dans le secteur privé des limonadiers.

Il est très regrettable de voir que les pratiques de programmation gomment complètement les différences entres les débutants et les artistes confirmés. Le développement d'une carrière n'est pas l'émergence à perpétuité et passe forcément par la négociation commerciale mais l'interprétation que font de nombreux organisateurs des désirs de leur soit disant public arrête net, toutes tentatives de discussions. Il est à noter que le public qui est prêt à mettre le prix pour les têtes d'affiches s'est très bien habitué au abonnements à prix mini et même à la gratuité ce qui permet de boire plus de bière . Moi j'appèle çà le beer to beer et cela a à peu près les mêmes effets que le peer to peer sur la rémunération des artistes et leurs œuvres.

Alors évidemment, la volonté affichée des instances culturelles de développer les pratiques artistiques ne fait qu'augmenter les vocations, surtout dans une société où l'on affiche le bien vivre des artistes connus. Mais parmi des millions d'artistes chercheurs d'or, qui rapportera vraiment sa pépite au patrimoine collectif ?

L'histoire récente de la musique nous démontre que les plus grands pionniers furent presque toujours en rupture avec le système académique du moment. Les formations de toutes sortes ne peuvent apporter que le savoir des autres et développer l'interprétation, mais en aucun cas générer l'inspiration d'une réelle création. Beaucoup d'artistes comme moi n'ont pas choisi le niveau de leur sensibilité, ni les convulsions de leur esprit à vouloir s'exprimer constamment au travers d'un art pour survivre dans ce monde.

La création qui consiste à bâtir pièce par pièce un univers est un moyen d'existence, une technique de survie spirituelle qui peut accessoirement, de part ce qu'elle produit, amener à faire des choix qui en feront une profession reconnue par la société.

Pour ceux qui ont choisi de rajouter de l'univers à l'univers et d'être les premiers à le partager en public, sur une scène, le chemin est semé d'embûches, de désillusions et de cyniques comportements de gens qui tiennent boutique. Mais c'est quand même une formidable aventure humaine.

Sur ce constat d'un vieux routier, peint au gris des giboulées de mars, il ne reste qu'une alternative au vedettariat : faire dans l'excellence musicale et travailler avec des partenaires qui partagent les valeurs qui nous animent.

Amis des planches et des cigales, il va falloir tenir fermement les rames encore quelques printemps pour que s'annonce un été riche de rencontres en toute simplicité avec le public.

 

A bientôt ici, chez vous, chez nous, en concert, ou comme dab au hasard de l'enfer !

Luc Arténo